Projet Mecistops

Les Faux Gavials

Les Faux Gavials

Ce n’est qu’en 2006 que le genre Mecistops a été ressuscité et a de nouveau été utilisé couramment pour ces crocodiliens uniques.

Les faux gavials d’Afrique sont dans le genre Mecistops

Le genre Mecistops a été à l’origine décrit par Gray en 1844, mais a été abandonné à la fin du 19ème siècle quand il a été estimé, a tort, que les espèces de ce genre faisait parti du genre Crocodylus. Ce n’est qu’en 2006, que Mecistops a été ressuscité et devenu le genre de ce groupe de crocodiliens uniques et reconnu comme le genre sœur des crocodiles nains du genre Osteolaemus!

Nos recherches évaluant la variation génétique et morphologique trouvée à travers la distribution de Mecistops, à savoir de la Gambie au lac Tanganyika, a constaté que les divergences significative au niveau morphologique et génétique, notamment au niveau crânien,  étaient fortement structurée géographiquement (Shirley et al. 2014). On a constaté que les crocodiles de l’Afrique de l’Ouest se distinguaient facilement des crocodiles d’Afrique Centrale et, qu’en fait, on estimait que les crocodiles de ces deux régions avaient été isolés les uns des autres pendant environ 7 millions d’années.

Après plusieurs longues années, nous avons finalement publié une nouvelle description du genre Mecistops, reconnaissant deux espèces distinctes de faux gavials africains: M. cataphractus, distribué en Afrique de l’Ouest depuis le Nigeria jusqu’en Gambie, et M. leptorhynchus en Afrique Centrale depuis le Cameroun et le Gabon à l’est du lac Tanganyika (Shirley et al. 2018).

Etymologie & Habitat

Quand Cüvier (1824) a décrit pour la première fois cette espèce, il n’a pas fourni une description étymologique de l’épithète spécifique choisi (cataphractus). Nous supposons qu’il est venu du grec kataphraktos (κατάφρακτος) signifiant blindé ou complètement fermé. Cüvier (1824) lui a également le nom commun français de «crocodile à nuque cuirassée». Les noms latin et le français font vraisemblablement référence aux rangées supplémentaires de scutelles dorsales que possède cette espèce comparé à d’autres crocodiles du genre Crocodylus.

M. cataphractus est, ou a du moins été historiquement, largement répandu dans toute l’Afrique de l’Ouest depuis le delta du fleuve Niger (Nigéria) jusqu’a l’ouest de rivière la Gambie (Gambie). Les relevés sur des sites spécifiques qui ont été publiés pour cette espèce sont assez abondants, en grande partie grâce aux travaux de Waitkuwait (1985). Fait intéressant, au moins un récit historique décrit de manière anecdotique que cette espèce semblait déjà rare dès le milieu du 19e siècle (Baikie 1857). Les extinctions locales considérables de l’époque contemporaine n’ont probablement pas réduit l’étendue de la distribution de l’espèces, bien que ses populations soient sans aucun doute très fragmentée sur toute son aire de répartition.

Le faux gavial d’Afrique de l’Ouest se retrouve dans les rivières et les lacs, de tailles moyennes à grandes, sur l’intégralité de son aire de répartition. Les individus de toutes tailles utilisent volontiers de nombreux autres habitats aquatiques de taille appropriée, y compris les forêts inondées, les petits cours d’eau et les marécages à papyrus ou à herbe émergents là où les rivières ou lacs inondent les terres riveraines au moins saisonnièrement.

Alimentation & Reproduction

Il est facile de supposer que les faux gavial d’Afrique de l’Ouest sont essentiellement piscivores (c.a.d. mangeurs de poisson), mais la réalité est que ces crocodiles sont assez généraliste et peuvent se nourrir de poissons, d’oiseaux aquatiques, et de proies terrestres diverses de manières opportuniste tels que les céphalophes, le chevrotain aquatique, les genettes , civettes, petits singes, etc … Heureusement, il n’ya pas de cas confirmés de d’attaque ou de predation par cette espèces sur les hommes.

Dans le cadre de sa recherche de thèse, Ekke Waitkuwait a beaucoup décrit l’écologie de la reproduction des faux gavial d’Afrique de l’Ouest. Nous savons que ce sont des espèces qui font des nids en forme de monticules a partir de terre et de feuilles essentiellement, et qui construisent leurs nids dans les 10 m de la marque hautes des eaux. Ces nids sont souvent placés à la base d’un grand arbre. Cette espèce a également été enregistrée comme nichant dans une plantation de cacaoyer, ce qui laisse à supposer qu’elle tolère quelque peu les habitats dégradés.

Les observations faites en Côte d’Ivoire montrent que le cycle de nidification dépend directement de la saison des pluies et des niveaux élevés d’eau. Les nids sont construits à la fin de la saison sèche, et les œufs sont pondus 5 à 47 jours après la construction du nid. La taille des pontes de M. cataphractus à l’état sauvage est relativement faibles avec une moyenne de 16 ± 7 œufs, et les œufs éclosent après une période d’incubation de 100 ± 10 jours. La densité de nidification est également faible seulement une nid tous les 1 – 3 km de berge.

Fait intéressant, les faux gavials  sont parmi les espèces de crocodilien les plus vocales. Les gens qui partagent leur habitat, ou vivent à proximité, rapportent souvent des vocalisations bruyantes et fréquentes, surtout pendant la saison de reproduction. Les observations en captivité montrent aussi que M. cataphractus est capable de faire une large gamme de vocalizations.

Les nids ont tendance à être remarquablement grand si vous n’avez jamais vu un nid de crocodile, mais en réalité, ils ne sont pas plus grand que tout nid-monticule chez les crocodiliens. Ekke Waitkuwait a observé une femelle de 2,2 m avec des ovules en développement et nous pouvons donc supposer que le plus petite taille reproductive est d’environ +/- 2,0 m, est la plus petite taille reproductive pour cette espèce.
Les vidéos suivantes (fournies par J. Breuggen, de la Alligator Farm de St. Augustine, FL, USA) montrent la paire d’adulte de la ferme en train de vocaliser. Dans la première vidéo, le mâle exécute un mugissement qui ressemble à l’allumage d’un moteur tandis que la femelle a répondu un mugissement plus caractéristique – presque comme si ils se répondaient! Dans la deuxième vidéo, la femelle commence à vocaliser de la même manière que le mâle, avant que celui-ci ne réponde avec une série de mugissement plus typiques – un cas intéressant d’inversion de type d’appel !!

Statut des Populations

M. cataphractus est l’un des crocodiliens les plus menacés au monde. Les suivis antérieurs à l’an 2000 l’ont déjà évalué comme sévèrement reduite au Libéria et au Nigéria, et probablement éteintes en Gambie, au Sénégal, en Guinée-Bissau et au Togo. Seules les populations de la Côte d’Ivoire ne semblaient pas menacées de façon imminente a cette date.

Depuis le tournant du siècle, très peu de données supplémentaires ont été rendues disponibles pour cette espèce. Cependant, des données provenant du Nigéria, du Bénin, du Libéria, du Ghana et de la Côte d’Ivoire suggèrent que M. cataphractus est pratiquement éteint dans l’écorégion de Haute Guinée (à l’ouest de la rivière Cross, au Nigéria). Cependant, l’espèce n’a pas été observée au Sénégal depuis les années 1960 où la carcasse d’un adulte a été vu dans le Parc National de Niokolo-Koba par M. Gerard Wartraux – propriétaire de la ferme aux crocodiles de Djibelor en Cassamance.

Cependant, un résultat positif provient d’une inventaire menée en Gambie en 2008, qui a découvert une petite population de cette espèce dans le Parc National de la Gambie, d’où il etait declaré extinct en 1991. De plus, des inventaires menées au Ghana et en Côte d’Ivoire révèlent continuellement de nouveaux individus dans des populations fragmentées à travers le pays.

Menaces & Declins des Populations

Par le passé, les causes du déclin de cette espèce ont été attribués à la destruction de l’habitat et, dans une moindre mesure, à la chasse de subsistance pour la viande et à la chasse commerciale pour la peau, cette dernière ayant également touché fortement les populations de Crocodylus suchus dans toute l’Afrique de l’Ouest. La chasse pour le commerce de peaux en Afrique de l’Ouest s’est heureusement atténuée, en grande partie du fait de la baisse des populations de crocodiles et donc de la disponibilité des peaux.

La pression anthropique moderne la plus significative, et qui entrave la récupération des populations de M. cataphractus, est la transformation de l’habitat combinée à une petite population. En d’autres termes, nous nous demandons si le nombre de population pour cette espèce a diminué tellement que toute perturbation additionnelle pourrait les pousser au-delà du seuil d’extinction programmé.

Etymologie & Habitat

Lorsque Bennett (1835) a décrit Mecistops leptorhynchus, il n’a pas fourni d’étymologie. Cependant, le lepto est dérivé du grec leptos qui signifie mince ou fin tandis que rhynchos signifie bec ou museau.

Le faux gavial d’Afrique Centrale est largement distribué dans le région de la côte gabonaise et le bassin hydrographique de la Sangha – Dja River (Cameroun), au nord de la rivière Uele (République centrafricaine et République Démocratique du Congo ), à l’est du lac Tanganyika , y compris le bassin hydrographique de la rivière Malagarasi sur la rive orientale (Tanzanie), et le lac Mweru et son bassin hydrographique (Zambie). Ceci étant dit, les suivis et observations sur de nombreux sites spécifiques sont rares pour cette espèce.

Il est tout a fait possible que cette espèce soit localement éteinte sur les portions sud et est de sa distribution présumée – la plus grande partie de son aire de repartition (à savoir, la Zambie , la Tanzanie , et le lac Tanganyika ). Même si ces populations ne sont pas éteintes complètement, il est fort probable qu’elles soient maintenant extrêmement isolées des populations principales situées plus à l’Ouest.

Le faux d’Afrique centrale occupe surtout les rivières et lacs de tailles moyenne à grande sur toute son aire de répartition mais des individus de toutes tailles utilisent de nombreux autres habitats aquatiques de taille appropriée tels que les forêts inondées, les petits cours d’eau, et les marécages à papyrus herbiers aquatiques dans les zones les rivières et lacs inondent les habitats terrestres adjacents au moins saisonnièrement.

Cette espèce a même été trouvée dans des lagunes côtières d’eau douce et légèrement saumâtre, notamment au Gabon (par exemple, N’gowe, N’dougou, etc.). Olivier Pauwels a observé, au moins une fois, un petit animal sur la plage près de l’embouchure de la rivière Nyanga (Gabon), mais l’espèce semble largement limité aux zones entourant les embouchures des rivières et donc loin des embouchures maritimes.

Indépendamment du type de zones humides, les faux gavial d’Afrique Centrale sont, comme ceux d’Afrique de l’Ouest, limités aux larges zones de forêt ou, dans les régions de savane au nord de leur aire de répartition, aux zones humides possédant des forêts riveraines continues (ex. parcs nationaux des Plateaux Batéké et de la Lopé au Gabon).
On ne les trouve généralement pas non plus dans les milieux adéquates mais fragmentés et trop isolés, et qui nécessiteraient ainsi de vastes incursions terrestres. cette espèce est hautement aquatique et ne se disperse probablement que par l’intermédiaire d’habitats marécageux.

Alimentation & Reproduction

Tout comme pour M. cataphractus, le faux gavial d’Afrique Centrale est essentiellement piscivores (c.a.d. mangeurs de poisson), mais ces crocodiles sont assez généralistes et peuvent se nourrir de poissons, d’oiseaux aquatiques, et de proies terrestres diverses de manières opportuniste tels que les céphalophes, le chevrotain aquatique, les genettes , civettes, petits singes, etc … En une occasion, cette espèce a été observée essayant de prédater une tortue à ailettes de Aubrey (Cycloderma aubreyi) relativement grande (50% de la masse corporelle des crocodiles). Tout comme pour M. cataphractus, il n’y a pas de cas confirmés de cette espèce attaquant ou prédatrices., il n’ya pas de cas confirmés de d’attaque ou de predation par cette espèces sur les hommes.

Dans le cadre de sa thèse doctorale, le Dr. Matt Shirley a eu l’occasion de recueillir des données sur l’écologie reproductive de l’espèce. Les femelles fabriquent des nids monticules à partir de terre, feuilles et branchages et à moins de 10 m de la ligne des hautes eaux, tout comme leurs cousins d’Afrique de l’Ouest. Cependant, en Afrique centrale, tous les nids ont été trouvés à la base d’un grand arbre et ils étaient souvent caché derriere un ‘écran’ de vegetation (c.-à-d. des arbustes ou des arbres) et la femelle garde le nid d’une mare adjacente.

Des observations faites au Gabon et en RDC montrent que le cycle de nidification de cette espèce dépend directement de la saison des pluies et du niveaux des eaux hautes. Les nids sont construits à la fin de la saison sèche, bien que le moment de la ponte soit toujours inconnu. La taille des pontes en milieu naturel sont assez petites allant de 13 à 21 oeufs.
Comme pour le faux gavial d’Afrique de l’Ouest, la densité de nidification est faible, avec seulement un nid pour 3 km de rivière. Dr. Matt Shirley a observé une femelle de 2,02 m gardant un groupe de nouveaux nés (femelle qui a été plus tard confirmé pour être la mère génétique), et nous pouvons supposer que cette taille est la plus petite dimension reproductive dans cette espèce.

Statut des Populations

L’Afrique Centrale est la région la moins étudiée au niveau mondial en termes de population de crocodiles et de l’état de leur conservation. Des enquêtes antérieures à 2000 ont suggéré que le faux gavial d’Afrique Centrale, en particulier à l’extrême sud et à l’est de sa distribution (Angola, Zambie, Tanzanie, par exemple), avaient déjà des populations extrêmement diminuées, notamment au Tchad et en Angola. Des 1990, sa présence dans la rivière Luapula, le lac Mweru et le lac Tanganyika en Zambie a été remise en question.

En 2000, le Complexe de zones humides de Malagarasi-Muyovozi en Tanzanie a été désigné comme site Ramsar en partie en raison de la présence de cette espèce. Cependant, il est presque certain que la perturbation de l’habitat dû à l’enlèvement de la végétation riveraine et la mortalité dans les filets de pêche ont entraîné des déclins significatifs de cette espèce dans les autres parties du lac Tanganyika (côté Tanzanie et RDC). En revanche, les populations du Gabon, de la République du Congo et de la République centrafricaine sont considérées comme quelque peu diminuées mais pas imminement menacées.

Depuis lors, très peu de données supplémentaires ont été rendues disponibles et une grande partie de ce qui est disponible constitue des observations opportunistes. Cependant, les populations du Gabon, en particulier dans les parcs nationaux, se sont révélées robustes et ne semblent pas en déclin.
Des observations similaires ont été faites dans certaines zones protégées du Congo (par exemple, la région du Lac Télé) et en RDC (par ex., la Réserve de Faune d’Okapi et la TL2 récemment reconnue). Nous soupçonnons également que la vaste étendue de terres sauvages inhabitées au centre de la RDC (en particulier dans le parc national de Salonga et autour de celle-ci) peut soutenir des populations importantes.

Menaces & Declins

Le déclin de l’espèce par le passé est attribué à la chasse de subsistance et à la destruction de l’habitat, ainsi qu’à la chasse commerciale pour la peau qui a aussi fortement touché Crocodylus niloticus et C. suchus sur toute les zones ou ces espèces sont sympatriques, notamment au Gabon et en RDC.

Les pressions anthropiques modernes, qui entravent le rétablissement des populations de Mecistops leptorhynchus, sont principalement les conflits avec la pêche artisanale (qui réduisent les proies disponible et entraîne une augmentation de la mortalité par la prise accidentelle dans les filets de pêche) et la modification ou la destruction de l’habitat (où de vastes étendues de forêt sont coupées pour le cacao, les plantations d’huile de palme ou les colonies), ainsi que la chasse pour le marché de la viande de brousse.

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